L’encadrement de la rémunération du gérant associé d’une SARL

Publié le par Adrien Ramelet

Pendant la campagne présidentielle, les débats auront été vifs sur le comportement des dirigeants des grandes sociétés. Une fois la campagne terminée, le gouvernement a décidé de mettre en œuvre sa proposition d’encadrement des rémunérations des dirigeants, et spécifiquement à ceux des entreprises publiques.

Loin des rémunérations folles des dirigeants des grandes entreprises se trouve la question de la rémunération des dirigeants des petites et moyennes entreprises.

À cet égard, un arrêt rendu le 4 mai 2010 par la chambre commerciale de la Cour de cassation pose les règles. L’importance de cet arrêt étant capitale, il est frappé du sceau suprême « PBRI ».
Dans les faits de l’espèce, cinq assemblées des associés d’une SARL ont approuvé par leurs délibérations les conventions portant sur la rémunération versée à la gérante de la SARL. Un associé de la SARL intente une action en annulation des cinq délibérations. La Cour d’appel de Poitiers rejette l’action de l’associé, en déclarant les délibérations valables car constituant des conventions portant sur des opérations courantes au sens de l’article L223-19 du code de commerce et non des conventions dites réglementées.

Suite au pouvoir en cassation formé par un associé de la,SARL, la chambre commerciale estime que la détermination de la rémunération du gérant d’une SARL par l’assemblée des associés ne procède pas d’une convention. Le gérant peut ainsi prendre part au vote sur la délibération fixant sa rémunération.

La rémunération du gérant associé d’une SARL n’a donc pas de caractère conventionnel. En ce qui concerne la nature de la rémunération du gérant, la doctrine a régulièrement débattu.
Tantôt la rémunération a été définie comme procédant d’une convention réglementée au sens de l’article L223-19 du code de commerce (ce fut le cas de la CA de Caen en 2007), tantôt elle fut qualifiée comme procédant d’une convention courante tel que le fixe l’article L223-20 du code de commerce (En ce sens: CA Poitiers, 26/02/2008).
Un troisième courant affirmait quant à lui que le gérant étant dans une situation statutaire, pouvait tout à fait prendre par au vote sur sa rémunération.

La chambre commerciale met fin à tout débat et tranche: la détermination de la rémunération du gérant a un caractère institutionnel. Les articles L223-19 et 223-20 ne s’appliquent donc pas en l’espèce. La rémunération du gérant relève de la fixation unilatérale par les associés, gérant y compris.
Cette position est logique. On imagine mal en effet que la rémunération du gérant soit approuvée à priori mais aussi à posteriori par l’assemblée des associés, qui pourrait ne pas l’approuver à posteriori…

La participation du gérant au vote sur sa rémunération est une solution logique dans la droite ligne de la sacralisation du droit de vote de l’associé. En la matière, le célèbre arrêt « Château d’Yquem » (Cass, Com, 23/10/2007) pose le principe selon lequel aucune limite au droit de vote des associés ne peut être posée sauf par une disposition légale expresse.
La Cour de cassation reprend ici cette solution, en permettant au gérant associé d’une SARL de voter les délibérations fixant sa rémunération. Le gérant ne fait que voter, il ne saurait déterminer de façon discrétionnaire sa rémunération et ses conditions.
Pourtant il y a ici une nette situation de conflit d’intérêt, mais le caractère sacré du droit de vote suffit à effacer cette situation de conflit d’intérêt (Cass, Com, 7 juillet 2009).
Une telle situation peut ainsi conduire à des abus, notamment celui de l’abus de majorité (bénéficiant d’une majorité dans l’assemblée des associés le gérant peut influencer le vote pour bénéficier d’une rémunération injustifiée), le risque aussi d’une faute de gestion, d’abus de biens sociaux.

Au fond, une telle  offre soulève pour les dirigeants de TPE et de PME un problème d’éthique, à moins que les dirigeants de TPE et PME ne soient des inconditionnels de la corporate gouvernance consistant à humaniser les rapports dans la société.

Article rédigé pour Tonus Eco

Publié dans Droit

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